Article paru sur The Times of Israel en français
Je suis la carrière d’Eric Zemmour depuis le milieu des années 1990, bien avant qu’il ne devienne célèbre comme chroniqueur chez Ruquier le samedi soir, quand il n’était encore que journaliste politique au Figaro.
J’aimais dès le départ son ton impertinent, iconoclaste, provocateur qui a fait sa célébrité à la télévision.
Sur le plateau de l’émission « On n’est pas couché », il a dynamité le politiquement correct, et osé dire ouvertement ce que lui et des millions de Français pensaient mais n’avaient pas le droit de dire en public sous peine d’opprobre.
Zemmour, un homme très cultivé, relativement intelligent et au style plutôt brillant à l’écrit, a été haï, critiqué, adulé, honni, insulté, mais il n’a jamais eu peur d’exprimer par la parole ou par l’écrit ce qu’il pensait.
En ce sens, Zemmour a été un formidable libérateur de parole dans une France sclérosée entièrement soumise au politiquement correct et à la pensée unique, où sortir de la norme admise vous vouait aux pires gémonies.
Et pourtant, je n’aime pas Zemmour. D’abord parce que c’est un idéologue enfermé dans ses propres contradictions et incapable de saisir la complexité du monde.
Comme Zemmour je pense que les idéologies sont importantes, elles offrent une vision simplifiée du monde et lui donnent sens. Mais contrairement à lui, j’en comprends les limites.
Zemmour perçoit l’entièreté de la réalité à travers son prisme idéologique, il analyse tout selon une grille prédéterminée et manichéiste, croyant que chacun de nos gestes est l’expression d’un discours politique et sociétal, comme d’autres voient des phallus partout. C’est une vision totalitaire de la société. Et cela le conduit à se ridiculiser et s’embrouiller dans des explications ridicules.
Ainsi quand il veut décider de résultats sportifs selon la politique migratoire et identitaire d’un pays comme ça lui est arrivé durant la dernière coupe du monde : non seulement il se risque à avancer des arguments que les nazis n’auraient pas renié – bien qu’il ne soit ni raciste ni nazi, mais il est souvent à la limite -, mais lorsque ses théories s’effondrent devant la réalité, il refuse de l’accepter parce que concéder une erreur marginale, pour lui, revient à admettre sa défaite sur l’ensemble de sa vision.
Tout est idéologique, tout est lié, tout est combat et cela le conduit parfois à adopter les thèses les plus folles et les plus extrêmes, parfois juste pour dire le contraire de la « doxa médiatique ». Ce n’est pas juste une posture et un jeu, il finit par croire les imbécilités qu’il raconte.
Au-delà de cette approche qu’on peut qualifier de fanatique, j’ai aussi un problème avec les positions de Zemmour sur de nombreux sujets. Certes, comme beaucoup de gens, je peux être d’accord sur le fond avec beaucoup de choses qu’il avance si on en retire les excès du polémiste.
Mais les désaccords restent profonds: Zemmour est un anti-libéral hystérique, qui ne comprend strictement rien à l’économie et ne veut rien y comprendre puisque pour lui tout est soumis à l’idéologie, et donc l’économie aussi.
Je ne parlerai pas de ses positions grand-guignolesques sur les femmes, elles se suffisent à elles-mêmes. Son obsession de la puissance française m’est incompréhensible mais elle est légitime.
Zemmour aurait voulu naitre à une autre époque, et il aurait surtout voulu naitre sous une autre peau, être un bon français catholique et blond, et pas un Juif séfarade.
Son lien à son identité juive, avec lesquels ses liens sont plus qu’ambigus, son hostilité affichée au sionisme et à Israël, achèvent de rendre le personnage peu ragoutant.
Il serait temps que tous ceux qui l’adorent dans la communauté juive parce qu’il « critique les Arabes » sachent avec qui ils font alliance. Je ne suis pas certain qu’ils seraient très heureux d’apprendre ce que Zemmour pense vraiment d’eux.