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Quand l’histoire est réécrite selon les besoins de l’idéologie

La résolution de l’UNESCO, honteusement votée par la France, niant les liens entre le peuple juif et Jérusalem n’est que le dernier avatar d’un discours développé par le monde musulman depuis plusieurs décennies et visant à réécrire l’histoire au service de la cause nationaliste arabo-musulmane. Le Temple n’a jamais existé, Jesus était Palestinien, et les Palestiniens sont les descendants au choix, suivant les jours, des Cananéens, des Philistins, ou des Hébreux. Les contradictions internes de ces étranges affirmations, leur opposition à ce que le Coran lui-même dit explicitement, ne sont que des détails sans importance aux yeux de ceux qui les avancent. Car pour eux comme pour les idiots utiles de la gauche progressiste occidentale qui les soutiennent, la vérité n’a aucune importance, seule compte la « cause » et tout est permis pour la faire avancer.

La réécriture de l’histoire, pas uniquement celle d’Israel, occupe une place essentielle dans le dispositif de propagande islamo-gauchiste. Ce n’est pas nouveau et ce n’est pas non plus une chose qu’ils ont inventé. Comme chacun sait, l’histoire est écrite par les vainqueurs, et ils ont toujours eu tendance à se donner le beau rôle. La nouveauté ici c’est que la réécriture est pratiquée avant la victoire et avec la complicité des élites des peuples qu’ils veulent soumettre.

Pourquoi donc les élites européennes acceptent-elles de collaborer avec cette entreprise négationniste ? Parce qu’elles sont elles-mêmes depuis 50 ans en plein travail de réécriture de leur propre histoire. Les Juifs et les Européens ont tiré des enseignements complètement opposés de la Seconde Guerre mondiale: les Juifs ont compris qu’ils ne pourraient pas survivre sans posséder un Etat fort et indépendant ; les Européens ont conclu que le nazisme était le stade ultime de l’Etat-Nation et que ce modèle devait être dépassé et le nationalisme éliminé. Fondamentalement, les Européens se sont complètement mépris sur la nature du nazisme, qui loin d’être un nationalisme était bien au contraire anti-nationaliste – une idéologie raciale qui méprisait les Etats-Nations et souhaitait leur destruction avec autant de ferveur que les intellectuels cosmopolites.

Et c’est cette motivation qui est à l’origine du projet de construction européenne.

Pour certains, « l’Europe » évoque un projet idéaliste et noble qui visait à unifier par la paix et l’économie des peuples qui se sont entretués pendant des siècles. Pour moi, l’Europe évoque avant tout la fin de l’Empire romain. La principale impression que me donnent les pays européens c’est qu’ils sont en fin de vie, que leurs peuples ont cessé de croire en eux-mêmes, et qu’ils s’apprêtent à disparaitre de l’histoire, en faisant plus ou moins de bruit.

Le parallèle avec la chute de l’Empire romain est pertinent à plus d’un titre. Les causes de cette chute sont un des sujets les plus débattus et les plus contestés par les historiens depuis des siècles. L’histoire est une discipline qui n’a a priori pas d’autre but que d’établir les faits sur les évènements passés et les expliquer, mais malheureusement depuis quelques décennies les dérives idéologisantes qui infectent les sciences sociales dans les universités et l’obsession pour les explications basées sur des théories pseudo-scientifiques ont aussi pénétré cette auguste discipline et dénaturé son travail.

Comme je disais précédemment, le travail de réécriture de l’histoire n’est pas une invention contemporaine. Par exemple, nous avons tous appris à l’école que la chute de l’Empire romain avait eu lieu au moment des invasions barbares au 5ème siècle. Ce qui est vrai et faux en même temps. Car l’Empire romain n’a réellement été détruit qu’en 1453, soit mille ans plus tard, avec la chute de Constantinople. Ce qui a disparu au 5ème siècle, c’est l’Empire romain d’Occident, tandis que celui d’Orient (la division datant du 3ème siècle) a continué à prospérer pendant quelques temps. Mais dans les livres d’histoire l’Empire romain d’Orient est appelé « Empire byzantin », un nom qu’il n’a jamais porté. C’est une invention des historiens du 19ème siècle.

C’est a priori un détail, mais qui en dit long sur la façon dont certains a priori idéologiques peuvent motiver l’analyse de l’histoire. En changeant le nom de l’Empire romain d’Orient, les occidentaux s’appropriaient entièrement l’héritage civilisationnel de Rome et le niait à ceux qui se réclament de Constantinople – les Grecs et les Russes surtout.

Plus récemment, deux révisions de la description classique de la chute de l’empire romain d’occident ont jouit d’une grande popularité pour des raisons plus idéologiques que réellement basées sur la recherche de la vérité. D’abord, en réaction aux représentations nationalistes simplistes qui voyaient dans les grandes migrations du premier millénaire le mouvement de nations entières, il est devenu courant de nier non seulement le caractère national de ces mouvements, mais même leur existence.

L’empire romain d’occident s’est effondré suite à l’infiltration massive de populations germaniques « barbares », elles-mêmes mises en mouvement par l’arrivée des Huns – les Angles et les Saxons, les Francs, les Lombards, etc. D’autres migrations ont suivi et bouleversé le paysage démographique européen dans les siècles suivants: celle des Slaves, des Magyars (les Hongrois), ou des Vikings. Cependant, dans les cercles historiens il est devenu de plus en plus courants de nier ou de fortement limiter la réalité de ces mouvements. Il ne s’agirait que de groupes de quelques milliers guerriers issus des élites qui auraient remplacé les anciennes élites locales sur le modèle de la conquête de l’Angleterre par les « Normands » en 1066, la masse de la population restant inchangée.

Pour arriver à cette conclusion, il faut refuser par exemple d’accepter les témoignages directes de l’époque qui décrivent des mouvements de masse de gens accompagnés de femmes et d’enfants ainsi que ce que nous apprend l’archéologie. Mais il est plus important de s’opposer à une vision qui renforce les mythes nationaux honnis.

La deuxième révision devenue populaire chez les historiens est en fait de nier plus ou moins la réalité des conséquences de la chute de l’Empire romain. Le mot « chute » laisse entendre un bouleversement total de la vie et de la civilisation telles qu’elles étaient connues par les citoyens de l’ancien empire et généralement pas pour le mieux. Mais non, nous explique-t-on. En fait, il n’y a pas eu de vrai changement, mais plutôt une continuité dans un cadre un peu différent. Les « barbares » étaient déjà largement romanisés et n’ont fait que reprendre les structures pré-existantes. Les populations de l’époque n’ont pas vécu de véritable rupture.

Sauf que, comme le prouve l’historien britannique Bryan Ward-Perkins dans son ouvrage « The Fall of Rome and the end of civilization », la chute de l’Empire romain d’occident fut un désastre d’une ampleur inouïe sur tous les plans: effondrement démographique (encore qu’en Italie le pire eut lieu lors de la reconquête par l’empire romain d’Orient au 6ème siècle), effondrement économique, effondrement culturel, effondrement technologique. En Angleterre, le niveau de vie est revenu à ce qu’il était à l’âge de bronze. Dans le reste de l’Europe, il faudra attendre entre le 13ème et le 19ème siècle, suivant les domaines, pour juste retrouver le niveau de l’époque romaine (en terme de commerce, de production, d’échanges, de technologie, de démographie).

Ward-Perkins pense que les raisons de ce travestissement de la réalité historique sont liées à la construction européenne et notamment à la volonté de faire plaisir à l’Allemagne: il s’agit de ne pas lui mettre sur le dos la fin de la civilisation romaine. Il s’agit aussi de nier les thèses conservatrices sur les menaces que l’immigration de masse ferait peser sur la civilisation occidentale contemporaine.

C’est là que nous retrouvons la pertinence de l’exemple romain. Quelques soient les opinions sur les causes profondes de la chute de Rome, deux facteurs sont indéniables: la faiblesse démographique romaine dans ses derniers siècles et l’immigration massive et non-voulue des populations germaniques. Ces deux facteurs trouvent une résonance dans la situation européenne actuelle qui mêle aussi faible natalité des populations autochtones à une immigration « barbare » soutenue. On comprend pourquoi il est impératif de faire disparaitre un ancien exemple qui pourrait donner l’idée que l’avenir européen n’est pas rose.

Et tout redevient alors logique: on réécrit l’histoire pour détruire les mythes nationaux et, on espère, les Nations ;  et pour faire accepter l’immigration étrangère de masse dont l’objectif avoué est aussi d’affaiblir la base historico-ethnique des identités nationales européennes pour créer un nouvel homme européen transnational.

Toute cette construction idéologique est en train aujourd’hui d’exploser au visage des européens qui découvrent aujourd’hui ce que l’URSS a fini aussi par apprendre à la fin des années 80: que la réalité est plus forte que l’idéologie, et que tout se paie.

Le vide spirituel de l’Occident

Mon article sur les trois pièges à éviter suite aux attentats de Paris a suscité beaucoup de commentaires et quelques critiques, un certain nombre se focalisant sur le troisième point que j’évoquais: le vide spirituel de l’occident. Je vais donc essayer de développer un peu plus ce que je voulais dire par là, très rapidement, même si un tel sujet mérite d’être traité par un ouvrage entier.

L’Occident s’est créé sur l’héritage du monde classique, d’Athènes, Rome et Jérusalem. En s’appuyant sur cet héritage, les Européens ont créé les bases du monde moderne fondé sur la protection des libertés, en particulier la liberté de penser et de critiquer. Mais nous sommes arrivés à un moment où le monde occidental s’est coupé de ses propres racines philosophiques, juridiques et bibliques et continue à avancer sans savoir où il va.

Le thème du « désenchantement du monde » n’est pas nouveau. La science a façonné un univers (apparemment) rationnel, où tout semble avoir une explication logique, dans lequel le magique, le religieux, le spirituel sont relégués au rang de superstitions. La société occidentale actuelle se concentre exclusivement sur l’accomplissement personnel et matériel de ses membres. Gagner suffisamment, « se réaliser » et être « heureux » sont les mots d’ordre de la culture dans laquelle nous vivons.

L’Occident a été trahi par ses propres élites intellectuelles. Depuis les années 60, le monde académique, puis tout le milieu intellectuel, a été contaminé par une nouvelle façon de penser qui rejette ce qui fut l’objet même de son existence: la recherche de la vérité. L’idéologie post-moderne et son bras armé, le politiquement correct, ont pris le contrôle progressivement des universités, en particulier dans les sciences sociales, et formé des générations entières à nier la réalité, le monde tel qu’il est, et sa compréhension, tout en se complaisant dans la haine de soi et l’autoflagellation perpétuelle et moralisatrice. Le monde académique, hormis les sciences dures, n’est plus qu’un immense marais de médiocrité et de bêtise où quelques ilots de lumière survivent encore.

L’être humain a besoin de transcendance pour vivre, de quelque chose qui le dépasse, et qui donne un sens à sa vie. La société ne lui propose plus rien qui réponde à ces besoins. Je ne parle pas forcément de religion et de croyance. D’ailleurs la religion elle-même peut se fossiliser et ne plus répondre aux attentes des hommes. Je n’ai aucun amour pour la religion catholique traditionnelle moyen-âgeuse. Mais il faut admettre que le catholicisme bien pensant et bien propre sur lui de l’après-guerre, qui donne parfois l’impression de vivre dans le pays des bisounours, est le premier responsable de son effondrement en occident. Il n’a plus rien à dire – à part quelques banalités vaguement socialisantes.

Il y a d’autres façons de se transcender. Pendant un temps, le monde occidental à remplacé la religion chrétienne par le nationalisme messianique, ce qui a mené à une impasse, mais la réaction fut de jeter le bébé de la nation avec l’eau du bain, surtout en Europe. Et il ne reste plus rien. Les gens comblent avec ce qu’ils peuvent – la drogue, la télé-réalité, les divertissements…. Et une manifestation de cet état de fait est qu’ils ne font plus d’enfants. En Europe occidentale, minorités musulmanes et chrétiens intégristes compris, les femmes font en moyenne 1,5 enfants, alors qu’il en faut 2,1 juste pour stabiliser la population à long terme.

Pour de nombreux intellectuels conservateurs, comme David Goldman, auteur de « How Civilizations Die » ou Yoram Hazony, à mon avis le plus grand penseur israélien, cet effondrement démographique, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, exprime une grande désillusion métaphysique. Les occidentaux (et ils ne sont pas les seuls d’ailleurs) ne croient plus en eux-mêmes, ni en l’avenir. Ils vivent pour le maintenant et la satisfaction immédiate de leurs désirs individuels. C’est évidemment une recette qui mène au désastre et au suicide collectif – soit par la disparition démographique soit par le remplacement par des minorités religieuses extrémistes dont la natalité est sensiblement plus élevée.

Car nombreux sont ceux qui ne peuvent pas se satisfaire de cette absence de transcendance du monde moderne. Et c’est ce qui explique le succès des sectes ainsi que des mouvements islamistes, bien au-delà des jeunes d’origine musulmane: ils donnent un but à la vie, ils donnent du sens, ils offrent une mission et la possibilité de changer le monde. Le monde occidental ne propose que doute et relativisme moral, ils incarnent au contraire une vérité qui se veut absolue. Ils attireront de plus en plus de gens à mesure que le monde occidental sera incapable de proposer une alternative.

Est-il déjà trop tard ? Tout le monde ne le pense pas. Yoram Hazony pense que c’est le rôle des Juifs que d’aider les occidentaux à revenir vers la Bible et son message divin. Peut-être la concurrence musulmane finira-t-elle aussi par réveiller les chrétiens. Ou peut-être trouvera-t-on une autre voie. Car sinon, l’alternative sera, à plus ou moins long terme, la fin de l’Occident.

 

Mohammed a-t-il existé ?

La naissance de l’islamisme est, sous ce rapport, un fait unique et véritablement inappréciable. L’islamisme a été la dernière création religieuse de l’humanité et, à beaucoup d’égards, la moins originale. Au lieu de ce mystère sous lequel les autres religions enveloppent leurs origines, celle-ci naît en pleine histoire ; ses racines sont à fleur de sol. La vie de son fondateur nous est aussi bien connue que celle de tel réformateur du xvie siècle. Nous pouvons suivre année par année les fluctuations de sa pensée, ses contradictions, ses faiblesses.

Ernest Renan, Mahomet et les origines de l’islamisme, 1851

Lorsque j’ai entendu poser pour la première fois la question de l’existence réelle ou non de Mohammed, le prophète de l’Islam, cette citation est la première chose qui me soit venue à l’esprit. Contrairement à la question de l’historicité de Jesus, que j’ai déjà abordé, les faits concernant Mohammed semblent clairs et connus. Nés en 570 à la Mecque, Mohammed se révèle comme prophète en 610 à l’âge de 40 ans, et ses prèches forment la base du Coran. Il crée une nouvelle religion qui unifie toute la péninsule arabique, et après sa mort en 632 ses successeurs envahissent et conquièrent en peu de temps un gigantesque empire qui va de l’Atlantique à l’Inde, écrasant au passage les deux grands empires qui se partageaient depuis des siècles l’ancien monde, la Perse et l’Empire Romain oriental (appelé « byzantin » par les historiens du 19ème siècle).

C’est du moins la version consensuelle de l’histoire qui a l’étrange particularité de ressembler assez fortement à ce que dit la religion musulmane elle-même. C’est que le travail critique et scientifique qui a été lancé depuis le 18ème siècle au sujet de la Bible hébraique et du Nouveau Testament a à peine été ébauché concernant l’Islam. Très peu de chercheurs et d’historiens ont abordé le Coran et l’histoire musulmane avec les mêmes outils critiques utilisés pour analyser les autres religions. Il y a deux raisons principales: la première est que l’islam est une religion et une culture non-occidentale ce qui induit un rapport différent. Les premiers à s’intéresser à l’islam étaient souvent des amoureux de cette culture qui cherchaient à la promouvoir en occident, ils n’étaient donc pas en état d’apporter une vision critique. Ces dernières décennies, surtout suite aux écrits d’Edward Said sur l’orientalisme, c’est un sentiment de culpabilité envers la façon dont les peuples musulmans ont été traités par l’impérialisme européo-américain qui a guidé les chercheurs. On ne critique pas les « victimes », uniquement les oppresseurs.

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Après les attentats de Paris, les trois erreurs à ne pas commettre

La France a subi les pires attentats de son histoire moderne et elle semble déterminée à réagir afin de faire payer les coupables et de les empêcher d’agir à nouveau. De nobles intentions mais qui risquent de ne jamais être réalisées si la France, et le monde occidental dans son ensemble, ne comprend pas certaines vérités.

On ne peut pas combattre son ennemi si on ne l’a pas identifié. Or une grande partie des autorités, à l’exception de Manuel Valls semble-t-il, affirme que la France est en guerre avec « le terrorisme ». Il ne faut surtout pas faire d’amalgame, les terroristes n’ont rien à voir avec l’Islam, qui est comme chacun sait une « religion de paix », et les musulmans sont les premières victimes de Daesh, Al Qaeda et consorts.

C’est évidemment complètement absurde. L’ennemi c’est l’Islam fondamentaliste. Même pas Daesh, qui sera surement vaincu assez vite, mais n’est qu’une manifestation parmi d’autres de l’hydre islamiste. On peut débattre s’il s’agit d’une lecture erronée ou non des textes musulmans, mais cela reste une version authentique de l’Islam.

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Soumission, de Michel Houellebecq

Avec quelques mois de retard comme d’habitude, j’ai lu le dernier Houellebecq, celui qui a été perçu comme « prophétique ». Comme la plupart des romans de Houellebecq, c’est un livre assez court qui se lit rapidement. Il a moins de scène pornographique que d’ordinaire, et j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi cet auteur, que j’aime bien au demeurant, serait un génie de la littérature.

Ceci dit le livre est intéressant mais souffre d’une contradiction interne, ou plutôt de l’impression que deux thèses contradictoires ont été compressées ensemble dans le même ouvrage.

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La laïcité française: une absurdité.

S’il existe un sujet qui rencontre un consensus à peu près total en France et notamment dans la communauté juive, c’est bien celui de la laïcité à la française et sa prétendue supériorité sur tous les autres modèles, en particulier l’horrible communautarisme américain dont la sinistre réputation dans l’Hexagone n’est plus à démontrer.

Je ne vais donc pas me faire beaucoup d’amis, mais je vais vous révéler ce que j’ai déjà découvert depuis 18 ans ce mois-ci: la laïcité à la française est au mieux absurde, et au pire, fascisante. C’est une idéologie qui méprise la liberté individuelle et dont l’inefficacité est totale puisqu’elle génère très exactement ce qu’elle souhaite combattre.

La réacti0n pavlovienne de défense de la laïcité contre tout critique est encore apparue dans un article récent de Slate d’une Juive américaine. Même si je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elle écrit, je dois avouer qu’elle a assez bien décrit mes sentiments sur la laïcité française. La réaction est assez éloquente: une quasi condamnation universelle et un record de commentaires pour un article de Slate.fr. On ne touche pas impunément aux idoles.

Comme je l’ai écrit, j’ai ouvert les yeux sur la laïcité il y a exactement 18 ans. En ce mois de Mars 1994 devaient se dérouler des élections cantonales dans le tiers ouest de la France. Mais problème – suite à une erreur du Consistoire qui n’avait pas prévenu a temps ou du Ministère de l’Intérieur, la date tombait en plein Yom Tov de Pessah. Interrogé sur le sujet dans « Tribune Juive », à la fin d’une longue interview, le grand rabbin de France de l’époque, Joseph Sitruk, déclarait que c’était une erreur bien malheureuse et que les Juifs religieux ne pourraient pas voter.

Big deal. Le taux de participation aux cantonales, élections supprimées depuis, était de l’ordre de 30% et celles-ci se déroulaient dans des régions où le nombre de Juifs, et de Juifs religieux de surcroit, était infinitésimal. Une non-affaire donc. Sauf que non. Repris dans « Le Monde », les déclarations de Sitruk devenaient « le Grand Rabbin de France appelle à boycotter les élections », ce qui évidemment suscita un petit scandale, pour le plus grand plaisir d’une partie des leaders communautaires qui haïssaient Sitruk malgré ou à cause de sa grande popularité au sein de la communauté. Sitruk soi-disant portait atteinte à la laïcité et à la République, c’était un dangereux fanatique religieux etc…

A l’époque, j’étais étudiant à l’Institut d’Etudes Politique de Paris, plus connu sous le nom de « Sciences Po », en deuxième année et président de l’UEJF local. Lors d’un cours de « Grands Enjeux de Je Ne Sais Plus Quoi », une sorte d’ersatz de cours de géopolitique, notre professeur, Mme Crémieux, qui avaient des problèmes assez sérieux avec ses origines juives, nous expliqua que Sitruk était « une des plus grandes menaces sur la République ». Comme j’étais le seul dans la classe à avoir lu l’interview en question, sans compter mon statut de président des étudiants juifs du coin, j’essayais alors de ramener les faits à leur juste proportion en expliquant que Sitruk n’avait jamais appelé à boycotter les élections, il avait juste décrit un état de fait. Les Juifs religieux n’avaient pas besoin de l’aval de Sitruk pour respecter la Halakha.

Mal m’en a pris. Je me rappelle avoir non seulement du subir la furie de Mme Crémieux (qui malgré tout devait bien m’aimer dans une espèce de relation haine-amour puisqu’à la fin de l’année j’avais quand même la meilleure note de la classe), qui me traita moi-même de fanatique extrémiste, mais aussi le mépris glacial de la quasi-totalité de la classe – à l’exception d’un seul qui était Juif, d’accord avec moi, mais moins téméraire.

Le même jour, en Italie, se déroulaient des élections législatives aux enjeux majeurs pour le pays. Bien qu’il n’y eu que 30,000 Juifs dans le pays et un faible nombre de pratiquants, le gouvernement décida de rajouter un jour de vote, le lundi, pour qu’ils puissent voter dans le respect de leurs traditions. Personne n’y vit de problème, l’Italie ne s’effondra pas dans les guerres interethniques ou religieuses, au contraire, la pratique du deuxième jour de vote fut même reconduite aux élections suivantes.

C’est donc à ce moment que j’ai compris l’absurdité intrinsèque de la laïcité française. Certes, cette capacité des Français à s’enflammer pour des questions ésotériques presque sans la moindre résonnance pratique est une spécialité nationale. Mais on était au-delà de l’absurde. Et c’était bien la preuve que la laïcité créait des problèmes au lieu de les régler.

Autre preuve: le fameux contre-exemple américain. Aux USA « communautaristes », où effectivement chacun vit selon sa foi, sa communauté, ses rites – jusqu’a une certaine limite bien sur et seulement ceux qui le souhaitent -, personne n’aurait l’idée qu’être Juif/Irlandais/Noir/etc.. et Américain pose la moindre contradiction, au contraire. On est là-bas fier de sa communauté (ou pas) et fier d’être Américain) en même temps. C’est le respect et l’enracinement dans sa culture qui permet justement de s’identifier à l’ensemble américain.

La France est culturellement, ethniquement et historiquement différente des USA. Mais elle a choisi depuis la fin du 19eme siècle  la voie inverse, au contraire d’ailleurs de la majeure partie de son histoire. Les Français ne supportent pas ce qui dépasse. Ils veulent que tout le monde soit pareil, comme eux. Ils ne sont pas racistes – noir, jaune, arabe, blanc, ça n’a aucune importance du moment qu’on s’habille, qu’on se conduit et qu’on parle comme un Français. A cela s’ajoute l’idéologie laïciste – la séparation de l’Eglise et de l’Etat pour protéger l’Etat de la religion (tandis qu’aux USA la séparation a pour vocation de protéger les religions de l’Etat), qui devient progressivement: protéger l’Etat des religieux et même de leur simple vue.

Je comprends ceux qui n’aiment pas voir des femmes voilées. Je n’aime pas non plus voir ça. Mais dans ce cas, il ne fallait pas laisser venir autant de musulmans en France. Interdire le voile, c’est comme traiter les symptômes plutôt que la maladie. Et aggraver la maladie pour le coup. Parmi les Juifs de France, une population intégrée, aisée, un « Français » cela signifie « un Goy ». On imagine facilement ce qui se passe dans d’autres communautés qui connaissent plus de difficultés.

La méthode française « républicaine » d’assimilation quasi-forcée n’est pas, historiquement, totalement inefficace sur le long terme. Elle est juste brutale et foncièrement anti-démocratique, et elle a pour inconvénient de susciter des réactions violentes et une certaine radicalisation chez les populations concernées. Les Français musulmans par exemple sont à la fois parmi les plus occidentalisés-laïcs et les plus violents en Europe. Et encore, leur occidentalisation a probablement plus à voir avec les pays dont ils viennent. Dans tous les cas, ce modèle ne peut marcher que quand la France offre en échange une identité forte et fière d’elle-même. Or tout ce que la France propose depuis 30 ou 40 ans, c’est un mélange de haine de soi et de haine de ce qui est diffèrent. Il est peut-être temps de changer les choses.

Mais d’un autre cote, ce n’est pas vraiment mon problème.