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Faut-il augmenter le SMIC israélien

salaire

Article paru sur The Times of Israel français

Dimanche 18 mai, nos amis suisses ont refusé par referendum à près de 77% la mise en place d’un salaire minimum de 3300 euros dans leur pays.

La Suisse continuera donc à survivre sans salaire minimum. Ce qui ne l’empêche pas de jouir des salaires parmi les plus élevés du monde et d’un chômage à peu près nul.

Cette votation intervient au moment où en Israel l’initiative lancée par le député communiste Dov Henin de porter le smic horaire à 30 shekels de l’heure connait un certain succès sur les réseaux sociaux.

Le salaire minimum en Israel est de l’ordre de 23 shekels de l’heure – 4,85 euros – contre 9,53 (brut) en France, soit presque le double.

L’écart en revenu mensuel est un peu plus faible: 4,300 shekels soit 906 euros brut par mois contre 1,445 euros brut en France. Et en net l’écart se réduit encore plus: environ 880 euros en Israel contre 1,120 en France.

Ceci dit, en Israel le salaire est généralement divisé en « salaire de base » à partir duquel sont calculés les versements pour la retraite et d’autres épargnes, et toutes sortes de suppléments qui se rajoutent comme les transports, ou plus ésotériques comme une allocation pour s’habiller.

N’ayant jamais reçu de fiche de paie en France je ne peux pas dire si les mêmes pratiques existent dans ce pays, mais en Israel, et surtout dans la fonction publique, cela permet d’augmenter fortement (parfois de doubler ou de tripler) le salaire effectif reçu sur son compte en banque.

Il ne faut donc jamais oublier ceci lorsqu’on lit qu’une grande partie des Israéliens touchent le salaire minimum – il s’agit généralement juste du salaire de base, pas de leur revenu réel.

Cependant personne ne peut nier que les salaires en Israel ne sont pas assez élevés. Depuis 10 ans, les salaires nominaux ont augmenté de plus de 30%, mais comme l’inflation a connu une hausse semblable, les salaires réels n’ont pratiquement pas bougé.

Comment expliquer ce phénomène alors que le pays a connu une longue période de croissance et que le chômage est bas ? En théorie, cela devrait pousser les salaires à la hausse.

Il y a plusieurs raisons mais une des principales s’explique par la très forte hausse en parallèle du taux d’emploi en Israel.

Il y a 10 ans, seuls 54% des plus de 15 ans faisaient partie de la population active, un des taux les plus bas du monde développé.

Aujourd’hui, c’est 64%, ce qui place Israel un peu au-dessus de la moyenne de l’OCDE.

Cela signifie que ces 10 dernières années le marché du travail a été inondé par des gens qui, auparavant ne cherchaient pas d’emploi, des centaines de milliers de nouveaux travailleurs, issus souvent du monde haredi ou du secteur arabe.

C’est un changement important et extrêmement positif pour l’économie israélienne, mais le revers de la médaille est que ces gens sont aussi peu qualifiés et ainsi affectés à des emplois mal payés.

Donc faut-il augmenter le salaire minimum ?

Les partisans de cette augmentation font remarquer qu’on ne peut pas vivre décemment aujourd’hui avec 4,300 shekels par mois. C’est certain.

Encore que je doute qu’on vive soudainement comme un roi avec 5,500 (ce que donnerait la hausse à 30 shekels de l’heure), mais c’est surement déjà mieux.

La hausse du salaire minimum, selon eux, entrainera une hausse de la consommation, et donc plus de croissance et donc plus d’emplois, selon un cercle vertueux qui s’auto-alimente.

Mais si c’était vrai, alors pourquoi seulement 30 shekels de l’heure ? Pourquoi pas 40 ? Ou 50 ? Ou 100 ? La réponse est évidente, les entreprises ne pourraient pas payer ces salaires. Alors pourquoi pourraient-elles payer 30 si elles ne le font pas aujourd’hui ?

Comme l’exemple suisse le prouve mais aussi celui de l’Autriche, du Danemark, de la Norvège, de la Finlande, ou de la Suède – les pays où les salaires sont les plus élevés sont aussi ceux où il n’y a pas de salaire minimum imposé par l’Etat.

Contrairement à ce qu’affirment parfois certains, l’absence de salaire minimum ne permet pas aux employeurs de réduire les travailleurs en esclavage. D’abord parce que personne n’accepte de travailler pour un salaire qu’il juge trop bas. Ensuite parce que les employeurs sont eux-mêmes en concurrence les uns avec les autres pour recruter les travailleurs les plus compétents. Il n’y a donc aucune raison que l’absence de salaire minimum réduise les salaires.

Par contre, le salaire minimum a un effet négatif sur l’emploi comme cela a été prouvé par la plupart des études sur le sujet. Pour expliquer les choses simplement, un employé est payé en fonction de ce qu’il produit.

Tant qu’un employé fait gagner de l’argent à son employeur, ce dernier a tout intérêt à le garder. A partir du moment où ce n’est plus le cas, il débauche.

Or, les compétences et les qualifications de chacun sont différentes. A travail donné, nous ne produisons pas tous autant. Aussi, quand on augmente le salaire minimum, les premières victimes sont les employés les plus faibles et les moins qualifiés, ceux qui, quelque soit la raison, ne peuvent pas produire autant que ce qu’ils coutent.

La conséquence de l’augmentation du salaire minimum est donc moins d’emploi. Pas forcément une hausse immédiate du chômage, cela peut aussi se traduire par moins de recrutements.

Une autre conséquence, lorsque l’employeur ne peut pas licencier librement, est tout simplement que la hausse des salaires est reportée sur le consommateur, ce qui crée de l’inflation et efface les effets de la hausse des salaires. Parfois, les deux effets se conjuguent, baisse de l’emploi et inflation, pour une efficacité négative maximale.

La France pâtit d’un des salaires minimaux les plus élevés du monde (relatif au niveau général des salaires du pays) et en conséquence, elle subit depuis plus de 30 ans un taux record de chômage.

Aussi, derrière le discours démagogique et populiste des partisans de la hausse du salaire minimum se cache une réalité bien moins sympathique: une mesure qui sert à certains politiques à cajoler l’électorat au détriment des plus faibles et de ceux qui ont le plus besoin de travailler.

Cependant, il reste vrai que personne ne peut vivre toute sa vie avec 4,300 shekels par mois. Néanmoins, le fait de toucher un bas salaire aujourd’hui n’empêche pas de gagner plus, plus tard.

Le problème est plus large que celui du salaire minimum – hormis quelques secteurs comme la high tech, les salaires sont globalement plutôt bas en Israel.

Ils sont bas parce que le marché israélien est assez fermé, non concurrentiel, et donc peu productif, or, comme je l’ai expliqué avant, le salaire est la conséquence directe de la productivité.

C’est justement parce que la high tech doit faire face à la concurrence mondiale qu’elle offre les meilleurs salaires.

Pour augmenter les salaires en Israel, il faut ouvrir tous les marchés et casser tous les cartels et les monopoles.

Il faut confronter le marché intérieur à la concurrence locale et internationale afin de l’obliger à être plus efficient, mieux adapté, et plus productif.

Non seulement les salaires augmenteront, mais en plus les services seront de meilleure qualité et les prix baisseront. C’est là que se crée le fameux cercle vertueux qui s’auto-alimente.

Le gouvernement actuel a commencé à prendre quelques mesures, trop peu nombreuses, dans cette direction. Espérons qu’il continuera.

Israël – modèle économique pour la France ?

nethol

 

Article paru sur The Times of Israel français

La tâche qui attend le nouveau premier ministre français Manuel Valls est considérable et au vu des difficultés qui l’attendent, tous les conseils sont utiles. C’est pourquoi je propose qu’il prenne exemple sur Israël et sa politique économique pour sortir son pays de la crise.

Au début des années 2000, Israël s’est retrouvé dans une situation qui n’est pas sans rappeler celle de la France aujourd’hui. Suite au déclenchement de la seconde Intifada en septembre 2000 et à l’implosion de la bulle internet, le pays a traversé l’une des pires crises de son histoire.

La croissance est devenue négative, le chômage est monté jusqu’à près de 11%, les déficits ont explosé, et la dette a fini par atteindre 110 % du PIB en 2002. Le pays était au bord de la faillite.

Le gouvernement Sharon, élu en 2003, avec Binyamin Netanyahou comme ministre des finances, a alors décidé de mener une politique audacieuse: baisse massive des impôts couplée à une baisse toute aussi importante des dépenses publiques.

Soit exactement le contraire de ce qu’ont fait la plupart des pays européens dont la France depuis 2008. Ce point est important à noter.

Depuis le déclenchement de la crise actuelle, les pays occidentaux ont généralement réagi en menant des politiques de « relance » neo-keynésiennes consistant à augmenter les dépenses publiques pour soutenir la demande.

Malheureusement les gouvernants politiques n’ont jamais pris le temps de consulter les résultats de plusieurs décennies d’études empiriques économiques qui montraient que la « relance » n’a jamais marché et ne peut pas marcher puisqu’elle consiste essentiellement à gaspiller de l’argent qui aurait pu être mieux utilisé s’il était resté dans des mains privées.

Non seulement elles sont inefficaces, mais en plus, les politiques de relances augmentent lourdement les déficits publics et donc la dette, et ainsi en retour, le service de la dette et de ses intérêts, créant un cercle infernal pour les finances publiques.

En réaction, les gouvernements européens ont instauré des politiques dites « d’austérité » se limitant à augmenter les impôts et à réduire les hausses des dépenses (pas à réduire les dépenses, mais à limiter les hausses déjà menées ou prévues).

Là encore, les politiques et leurs fonctionnaires ont fait preuve d’une incompréhension assez basique du fonctionnement de l’économie en négligeant les effets divers et contradictoires que les hausses d’impôts avaient sur le comportement des gens.

D’abord, plus les impôts augmentent moins on a d’argent disponible pour consommer ou investir. Ce qui nuit à la croissance et aussi aux recettes fiscales. Augmentez l’impôt sur le revenu et vous gagnerez moins en TVA.

Mais augmentez l’impôt sur le revenu et vous inciterez aussi les gens à moins travailler, ou à frauder plus. Le résultat c’est qu’une hausse d’impôt provoque toujours des rentrées fiscales inférieures aux prévisions, parfois même inférieures aux rentrées fiscales avant la hausse !

Les politiques d’austérité n’ont donc pas été des succès. Surtout quand elles n’ont pas été accompagnées de baisses réelles des dépenses publiques, comme en France où ces dernières atteignent le niveau record de 57 % du PIB, un chiffre dépassé uniquement par le Danemark, et où le niveau de pression fiscal est de 45 % du PIB, plaçant la France dans le top 3 mondial.

Donc, en 2003, le gouvernement israélien a fait l’exact opposé de tout ceci. L’impôt sur le revenu et l’impôt sur le bénéfice ont été revus à la baisse, de nombreuses taxes d’achats éliminées ou sérieusement rabotées, et en même temps, les dépenses publiques, surtout sociales, ont été fortement réduites, l’idée étant de casser les pièges à la pauvreté créés par les allocations sociales et familiales, et de passer à une culture du travail plutôt que de l’aide sociale.

Le résultat a été spectaculaire. En 2008, les dépenses publiques ne représentaient plus que 43 % du PIB (contre 55% en 2002), la croissance était de 5 %, la dette réduite à 80 %, le budget a peu près équilibré et le chômage était tombé à 6 % alors que des centaines de milliers d’Israéliens qui n’avaient jamais cherché de travail avaient surgi sur le marché.

Ainsi, le taux de participation au marché du travail, c’est-à-dire le nombre de gens de plus de 15 ans qui travaillent, était en 2002 un des plus bas du monde développé, avec seulement 54% de la population en âge de travailler qui le faisait. Aujourd’hui, ce taux est de 64 %, au-dessus de la moyenne de l’OCDE – contre 60 % pour la France. Et le PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat est maintenant supérieur à la moyenne européenne et proche de celui de la France.

Evidemment, Israël reste confronté à de nombreux problèmes sociaux en particulier une profonde fracture sociale entre le centre le la périphérie qui s’est accrue non malgré mais à cause de la forte croissance – qui a plus profité aux couches déjà bien intégrées dans l’économie mondiale.

Israël n’a pas non plus su assez libéraliser son économie qui reste aux mains de plusieurs cartels et monopoles, restes de l’ancienne économie socialiste des premières décennies du pays, qui sont responsables de la sensible hausse des prix de ces dernières années.

Ils sont aussi responsables du manque de productivité d’une bonne partie de l’économie israélienne et donc des bas salaires dans tous les secteurs non ouverts et non compétitifs. La lutte contre ces cartels et ce qu’on appelle les « tycoons » a commencé à transformer la politique israélienne depuis 2011, à droite comme à gauche. On en verra le résultat ces prochaines années.

Mais ces problèmes existaient avant 2003 avec autant d’acuité et ne changent rien à l’immense réussite de la politique qui a été menée face à la crise. Israël devrait servir de modèle pour ses partenaires européens et la France en particulier.

Les Français seront-ils capables d’accepter un changement de paradigme aussi radical ? Il est permis d’en douter tant cette politique est à l’opposé de la culture économique et sociale de l’hexagone.

Quel homme politique sera capable d’expliquer à une population habituée à ce que l’Etat s’occupe de tout et finance tout généreusement que cette voie est une impasse intenable ? Je lui souhaite bien du courage.